Fantaisies rivulaires
Ici même, il y a 40 ans, à l’endroit précis où je pose les pieds ce matin, l’homme-machine creusait dans le lit mineur de la rivière pour en extraire du caillou.
Un trou béant, jusqu’à 17 mètres de profondeur.
La loi sur l’eau allait fort heureusement mettre un terme définitif à ces pratiques dévastatrices, et un arrêté préfectoral signé en 1995 allait même plus loin dans la protection du milieu.
Quatre décennies plus tard donc, le Doubs a retrouvé une partie de sa liberté – bien que des enrochements subsistent encore sur les berges de la rive gauche – et narre une toute autre histoire que celle contée jadis par de gigantesques excavatrices.
Ici, des racines tortueuses qui se dressent vers le ciel, là, des mares éphémères comblées d’une potion verdâtre où plongent, rieuses, de juvéniles grenouilles, ailleurs, au détour d’une ripisylve, un arbre fatigué dont les larges branches dessine la silhouette d’un mastodonte végétal, tandis que plus loin, un gros tronc boursouflé et recouvert de champignons, évoque un vieux sage semblant veiller sur ces lieux fantastiques… ce sont quelques-unes des fantaisies rivulaires de la basse vallée du Doubs.
Bien plus qu’un simple « bassin versant », le terme employé dans le jargon des gestionnaires, le Doubs est une créature vivante.
Apaisée en ce matin d’octobre, elle ruisselle timidement entre sable et galets, mais dans quelques semaines, avec le retour des pluies, elle gonflera ses muscles liquides, et telle une artiste au comble de sa créativité, grignotera les berges, déposera de nouveaux embâcles, sculptera de nouveaux paysages, avant de serpenter à nouveau tranquillement au milieu de ses œuvres, comme elle le fait depuis des millénaires.
C’est au Castor désormais, de veiller à nouveau sur elle…
Basse vallée du Doubs, le 15 octobre 2023.
Cette entrée a été postée le mardi, décembre 19th, 2023 at 19 h 35 min
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